Monaco - Nice

Boga : « Sur le banc, j’avais déjà des frissons »

Le dernier derby à Monaco porte sa marque. La marque d’un éclair de 50 mètres, de dribbles enchanteurs et d’une frappe imparable, au bout d’une soirée folle et au début d’une nuit de folie. Le 22 septembre 2023, Jeremie Boga se présentait aux Niçois. Une présentation restée dans toutes les mémoires. Un an et demi après, le Gym s’apprête à retrouver la Principauté. L’Éléphant, quant à lui, souhaite reprendre son chemin, loin des blessures, sur le terrain. Avant le plus court déplacement de la saison, la parole lui revient, comme un hommage à son talent et comme un espoir pour la suite. Issa Boga. 

Jeremie, quels souvenirs gardes-tu de ce 29 septembre 2023 ?
Un très beau souvenir. C’était mon premier but avec Nice. Je revenais d’une blessure qui avait perturbé mon début de saison. Je crois qu’à l’époque, on se battait pour la première place… C’était mon 1er match à Monaco, je n’avais jamais joué là-bas. Je me souviens de l’ambiance, de la ferveur des supporters, de la joie dans le vestiaire. Sur le banc, j’avais déjà des frissons. J’étais prêt à entrer (il l’a fait à l’heure de jeu à la place de Sofiane Diop, ndlr). J’avais déjà vu de très belles photos du derby avant que j’arrive, de celui remporté avec un doublé de Terem et un but de Khephren… On en a fait une belle à la fin, avec la victoire, le maillot bleu magnifique. Pourvu qu’on ait l’occasion de revivre de telles émotions ce week-end. 

Ton but a été extraordinaire. Où le places-tu dans ta carrière ? 
Il fait partie du top 3 des buts qui m’ont procuré des émotions vraiment folles. Les deux autres ? Mon premier avec la sélection contre le Malawi (victoire 3-0 de la Côte d’Ivoire le 8 octobre 2021). Il était beau et l’émotion qu’il y a eu derrière, je ne l’avais jamais connue auparavant. L’autre, c’est mon but contre la Juventus de Buffon (2-2 le 1er décembre 2019). J’étais jeune, je le regardais à la télé quand j’étais petit. Je le prenais à la play. Sur le coup, je me suis dit : « Quand même, marquer contre Buffon, surtout d’un piqué, c’est quelque chose. Ça va rester gravé. »

Quels sont les autres derbys que tu as joués dans ta carrière ?
J’en ai joué pas mal. À Rennes, contre Nantes, lors de ma première saison en pro (2015-16). À Birmingham (2017-18), contre Aston Villa. Ceux qui connaissent cette rivalité savent comme ça peut être chaud. C’était de la folie. Deux ou trois semaines avant, les supporters étaient venus nous voir en nous disant qu’on pouvait terminer derniers mais qu’il ne fallait vraiment pas perdre ce match. Vu que les deux équipes sont dans la même ville, il y avait vraiment une très grosse ambiance. En Italie, je n’ai pas vraiment joué de derby, même s’il y avait une vraie rivalité entre Sassuolo et Bologne.  

Le fait que le Gym (4ème) soit à égalité avec Monaco (3ème) à ce moment de la saison offre une dimension supplémentaire à ce match ?
Bien sûr. Monaco est un concurrent direct, on a le même nombre de points (47). Avec une victoire, on peut prendre un peu d’avance mais quoi qu’il arrive, 7 matchs arriveront derrière. Une grande ligne droite. Cette saison, on le voit, ça peut vite monter et vite descendre. Donc rien ne sera joué après samedi. En revanche, une victoire là-bas peut nous mettre dans une bonne dynamique, à un moment clef de la saison. On en est tous conscients. Il va falloir retrouver de la continuité. 

« Il faut relancer la machine »

Le Gym reste sur une défaite (0-2 contre Lyon) et un match nul vécu comme une défaite, contre Auxerre (1-1). Comment vivez-vous cette période ? 
On sait qu’une saison est longue. Nous avons connu quelques moments plus difficiles mais globalement, la dynamique est bonne, sinon on ne serait pas ici à ce moment de la saison. Il faut relancer la machine et le meilleur moyen de le faire, c’est de gagner à Monaco. Même si ça va être très difficile… 

Quelles sont les qualités de l’ASM ? 
C’est une équipe qui presse beaucoup. Elle est plutôt directe, elle aime les duels. Il va falloir être intelligents et jouer avec nos forces, parce qu’on en a pas mal. On peut leur faire mal. D’un point de vue plus personnel, il y a des joueurs que je connais. J’évolue avec Singo en sélection, un très bon défenseur. On est souvent dans la même zone et on se connaît très bien. On a souvent joué l’un contre l’autre en Italie quand il était au Torino, là on peut se retrouver. 

Il reste 8 journées. Comment juges-tu la saison jusqu’à présent, d’un point de vue collectif ?
Elle est bonne. On est dans le Top 4, au coude à coude avec tous nos concurrents directs. On a aussi une petite avance qu’il va falloir garder. Pour l’instant, malgré un coup de mou, on est bien. On a réussi à enchaîner et à faire de bons résultats, y compris contre les équipes du haut. Jusqu’à présent, nous avons fait preuve de constance, sinon on n'en serait pas là. Il faut continuer. 

On entend parfois « qu’un autre championnat débute dans le sprint final »…
C’est en partie vrai parce que c’est là que tout se joue. Si tu lâches tout dans la dernière ligne droite, tu peux même ne pas être européen, ce qui est l’objectif fixé par le club en début de saison. Au contraire, si tu donnes tout et que tu prends des points, ça peut t’envoyer tout en haut… Le sprint est très important mais ce qui est arrivé avant l’est aussi pour avoir de bonnes bases, être bien classés et bien prêts au moment de se lancer. C’est pour ça que je parlais de constance et de continuité. On a bien travaillé pour être placés à l’heure de la dernière ligne droite. Maintenant, on doit y aller.

« Je touche du bois et j’espère juste pouvoir être épargné par les blessures pour aider l’équipe, le club, et faire plaisir aux supporters »

Et ta saison d’un point de vue plus personnel ? 
Individuellement, c’est une saison compliquée. On ne va pas se mentir. J’ai commencé directement par une blessure en prépa’. Je suis revenu, j’ai réussi un peu à enchainer et à marquer en Europa League, mais après il y a eu des pépins qui m’ont éloigné des terrains 2-3 semaines, puis une grosse blessure. Je n’ai pas vraiment eu la chance de pouvoir enchaîner, hormis en début de saison. À chaque fois que je revenais, que physiquement, je me sentais mieux, il y avait quelque chose. Quand c’est le cas, tu perds un peu de condition physique. Ça m’a fait plus de peine qu’autre chose parce que je sais que quand je suis en condition, je peux apporter. Je connais mes qualités, j’ai confiance en moi. Pour le sprint, je touche du bois et j’espère juste pouvoir être épargné par les blessures pour aider l’équipe, le club, et faire plaisir aux supporters. Physiquement, désormais, je suis bien. Maintenant, il me manque juste un peu de rythme et de temps de jeu en match, mais ça viendra petit à petit. 

Est-ce que tu payes un peu la saison passée, où il s’est passé beaucoup de choses pour toi, avec notamment la victoire à la CAN en début d’année civile ?
Honnêtement, je ne sais pas. Je ne me suis jamais posé cette question. Physiquement et mentalement, c’est vrai qu’il y a eu beaucoup d’évènements la saison dernière, beaucoup d’émotions avec cette CAN. Mais j’avais quand même bien fini la saison avec le Gym, donc c’est compliqué à expliquer parce qu’en plus, j’ai toujours été pro en dehors du terrain, j’ai toujours bien pris soin de mon corps. J’espère que c’est derrière et que je vais pouvoir aider l’équipe, parce que le collectif reste la chose la plus importante. 

Sens-tu qu’avec les différents retours, vous avez franchi un cap dans les séances au quotidien ?
Oui. Cette année, on a rarement eu tous les joueurs à la disposition du coach et du staff. Plus il y a de retours, plus il y a de qualité. Quand tu vois Morgan, Terem ou Tanguy : ils ont aussi été blessés cette saison et là ils sont en train de revenir, comme je suis en train de le faire. Ça ne peut qu’élever le niveau à l’entraînement. Ça fait du bien à tout le monde. Ça demande plus d’exigences et ça donne un petit casse-tête au coach. 

Justement, où est-ce que le coach t’attend spécifiquement ?
Il veut que je sois plus décisif. C’est ce qu’il m’a toujours dit. Que je sois efficace et toujours dans la bonne zone. On joue quand même dans un système différent de la saison passée, où j’étais plus sur le côté gauche, collé à la ligne, plus dans le un contre un. Cette saison, avec ce système, je suis plus à l’intérieur, plus proche des milieux, des attaquants et de la zone de finition. Je pense que c’est aussi une position qui peut m’aider à franchir un cap. Après, sur le côté ou à l’intérieur, la percussion reste ma qualité première, j’arrive quand même à trouver des espaces. Maintenant, il faut être présent à la finition. Tu peux faire un bon match mais avec ou sans le dernier geste, sa perception n’est pas du tout la même. Maintenant, les stats comptent beaucoup, comme le fait d’être décisif, mais je ne perds pas confiance en moi. Je connais mes qualités et je sais qu’il me reste du travail pour être plus décisif. 

« Je sais qu’il y a des attentes. C’est une bonne pression… »

Est-ce que la saison passée, on t’a vu sous ton meilleur jour ?
La saison dernière, il y a eu beaucoup de matchs et de moments où je me suis très bien senti, donc oui, je dirais que j’étais au top. Par contre, j’ai toujours pensé qu’il me restait des caps à franchir pour arriver au maximum de mon potentiel. Je peux encore plus apporter à l’OGC Nice et je vais tout faire pour. Je sais qu’il y a des attentes. C’est une bonne pression parce que tant que les gens attendent beaucoup de toi, c’est qu’ils croient en toi, que tu es sur le bon chemin et qu’il faut continuer. C’est au moment où les gens n’attendent plus rien de toi que ça ne sent pas bon…


Constantin Djivas

Hugo Burg