
Monaco – Nice
8 novembre 1953 : 11 pionniers, 11 histoires
Le 8 novembre 1953, l’OGC Nice se rend à Monaco pour la première fois en 1ère Division*. Double champion de France en titre, le Gym ne manque pas ce voyage en Principauté, avec une victoire sèche (3-0) dans l’ancien stade Louis-II (l’enceinte actuelle, située à quelques mètres de la première, a été inaugurée en 1985). Qui étaient les 11 Niçois alignés par George James Berry et quelle trace ont-ils laissé dans l’Histoire du club ? Retour aux sources.
Babkin « Henri » Hairabedian
Le 12 avril 2017, un Complexe flambant neuf portant son nom est inauguré à l’est de la ville, sur le site (très connu) de la Lauvette. Un hommage de plus pour celui qui, au moment où Nice rencontre pour la première fois Monaco à Fontvieille dans l’élite, garde les buts de l’équipe fanion après plusieurs saisons passées en Division d’Honneur. Babkin a alors 22 ans et dispute son 25ème match dans la cour des grands. Il préserve sa cage et s'y installe.
Né à Meyreuil, le portier d’origine arménienne dispute 104 matchs avec les Aiglons, remporte la Coupe de France 1954 et le titre de champion en 1956, avant de poursuivre à Tours et Béziers.
Guy Huguet
Alors que Babkin a débuté son parcours professionnel à Nice, Guy Huguet y est arrivé au crépuscule d’une belle carrière, menée à Clermont et surtout à Saint-Etienne, où il a laissé une empreinte importante et où une rue proche du Chaudron porte désormais son nom. Défenseur international français (12 sélections), il s’engage à Nice en 1952 et y dispute 68 matchs jusqu’à 1955 (1 but), avant de rejoindre le Sporting Club de Gannat.
Il occupe des fonctions de magistrat et de cadre de la FFF à l’issue de sa carrière de joueur.
Pancho Gonzalez
Pancho le magnifique. Pancho la légende. L’homme à la petite moustache et l’homme de (presque) tous les titres. Cadre des championnats remportés en 1952, 1956 et 1959, des Coupes de France 1952 et 1954, le défenseur "argentino-franco-niçois" fait partie du staff en 1997, date de la dernière ligne du palmarès rouge et noir.
Le 8 novembre 1953, Pancho est encore au centre de la défense. À la barre et aux manettes. Avec 367 matchs au compteur, il est le 2ème joueur le plus capé de l’Histoire du club, derrière Francis Isnard (467).
Pancho entraîne également les Aiglons de 1964 à 1969, avant d’occuper de nombreuses fonctions au sein de l’institution qui a vu le jour en 1904.
Mokhtar Ben Nacef
Un précurseur. Un pionnier. Le témoin d’une époque faite de changements. Né à Bizerte – alors en Tunisie française - le 25 janvier 1925, Mokhtar Ben Nacef est le premier joueur tunisien à devenir professionnel dans l’Hexagone. Arrivé en 1948, il dispute 76 matchs avec le plus beau maillot du monde (sur deux périodes entrecoupées d’une aventure à Cannes) et remporte la Coupe de France en 1954.
À l’indépendance de la Tunisie, il devient le premier capitaine de sa sélection. Il en sera également le sélectionneur entre 1964 et 1968, avant d’occuper des fonctions à la fédération.
Antoine Cuissard
Une histoire rocambolesque pour un sacré joueur de ballon. L’AS Saint-Etienne, club de sa ville natale, où il s’impose dans le monde pro et où il devient international français (27 capes, dont 2 comme Niçois), refuse de le libérer pour un autre club de D1. Un petit tour de magie « d’aqui » passera outre ce refus, et le joueur arrivera finalement au club après un passage… à Cannes, alors en D2.
Derrière les écritures et le transfert en plusieurs temps, qui retarderont ses débuts, Cuissard s’impose avec l’Aigle sur le cœur. Il joue 95 matchs, plante 18 buts et remporte le seul titre de sa grande carrière (la Coupe de France 1954).
À noter que ses grands-parents sont les fondateurs du FC Lorient. Il y évolue en jeune et y retourne après la Seconde Guerre Mondiale, pour relancer les Merlus sous la férule de Jean Snella.
Antoine Cuissard évoluera alors en DH et gardera tout de même sa place en équipe de France. Une singularité historique…
Émile Antonio
Ce 8 novembre 1953, il est l’auteur du 3-0. Le point final d'un joli récital. Né à Auzat la Combelle de parents espagnols, naturalisé français en 1931, ce milieu offensif de caractère porte à 28 reprises le maillot des Aiglons (3 buts), avant de prendre la direction de Lyon. Puis de l’AS Montferrand, et enfin de la Combelle, son club formateur, avec qui il occupe le rôle d’entraîneur-joueur, avant de s’éloigner du football et d’ouvrir une entreprise de serrurerie.
En juillet 2022, le stade de son village natal est rebaptisé à son nom.
À Nice, Émile Antonio remporte la Coupe de France 1954, en étant titulaire en finale contre l’OM.

Abderahmane Mahjoub
Dès la 13ème minute, c’est lui qui met les siens sur la voie d'un succès princier. Lui qui est un autre symbole de son temps. Milieu de talent né à Casablanca, Abderahmane Mahjoub a été à la fois international français (7 sélections, les 3 premières en tant qu’Aiglon) et international marocain, à l’indépendance du pays.
Il ne passe qu’une saison sur la Côte d’Azur : en 1953-54. Une saison à 38 matchs et 6 buts, marquée par un état d’esprit de combattant. En témoigne sa finale de Coupe de France contre Marseille, où le meneur de jeu reste sur le terrain (les changements n’existaient pas à l’époque, ndlr) malgré un très vilain coup reçu au mollet.
À la suite d’une belle carrière de joueur, il devient sélectionneur du Maroc, de 1964 à 1967, puis en 1972.
Bachir Belaïd
Lui aussi ne passe que la saison 1953-54 à Nice. Lui aussi inscrit 6 buts (en 18 matchs), dont un, très important, en 8ème de finale de la Coupe de France, contre le Stade Français (1-0) de Doumé Colonna (qui sera champion avec le Gym 2 ans plus tard). Une édition que le Gym finit par remporter…
Au cours de sa carrière, Bachir Belaïd évolue également à Toulouse, Alès, Nancy et Montpellier.
Joseph Ujlaki
« Monsieur Joseph » est ce que l’on appelle « une gloire du Gym », dont le nom se transmet de génération en génération.
Ujlaki débute sa carrière française au Stade Français, avant de passer par Sète, Nîmes, Nice durant 5 ans, le Racing Paris, Metz, Aix et à nouveau Sète. Avec les Aiglons, il remporte la Coupe de France 1954 et le Championnat en 1956. Il est alors considéré comme le véritable patron du vestiaire.
Naturalisé français après son mariage, l’attaquant d’origine hongroise porte 21 fois le maillot bleu. Au Gym, il prend part à 166 matchs et inscrit 72 buts entre 1953 et 1958.
Just Fontaine
Dès le retour des vestiaires, ce 8 novembre, il permet au groupe de faire le break contre son voisin du Rocher (2-0, 53’). À l’époque, Just Fontaine n’est pas encore l’icône du football français. Le club envisage même de le prêter en 2ème division avant ses premiers pas en équipe première… Pourtant à peine lancé, Fontaine voit juste et marque déjà. Très souvent (il le fera 52 fois en 83 apparitions avec le maillot rouge et noir).
C’est avec le Gym que le natif de Marrakech dispute ses premières rencontres de 1ère division. Et qu’il explose. Il porte le club vers sa deuxième Coupe de France (1954). Meilleur buteur du Gym en 1954-55 (20 réalisations), l'attaquant joue aussi un rôle essentiel dans le troisième titre de champion de France, obtenu en 1956.
C’est enfin avec Nice qu’il découvre l’Équipe de France en décembre 1953. La suite appartient à l’Histoire : 30 buts en 21 sélections avec les Bleus, dont 13 en phase finale de la Coupe du monde 1958 (le record tient toujours).
Vic Nurenberg
Le temps qui passe n’efface pas son empreinte. Sa femme, Paulette, ses enfants et ses petits-enfants sont d’ailleurs toujours présents pour l’OGC Nice. Et toujours honorés, encore plus en cette saison des 120 ans. Le Luxembourg et Nice entretiennent des liens magnifiques. Il y eut Roby à la fin des années 80 et avant lui, il y eut Vic. L’éternel. 311 matchs avec la tunique azuréenne entre 1951 et 1960, 111 buts, 3 titres de champion de France, 2 coupes de France et, entre autres, un triplé contre le Real Madrid au Stade du Ray, un jour d’exploit et d’ivresse.
Pour ce premier déplacement à Monaco, Vic garde le silence. Ce qui est assez rare pour être souligné. Pourtant, 72 ans plus tard, les échos de ses exploits continuent de résonner dans nos cœurs.

Debout, de gauche à droite : Machet, Péri, Huguet, Gonzalez, Fronzoni, Ben Nacef
Accroupis : Lenfant, Antonio, Carniglia, Fontaine, Brandaozinho
*Le 19 septembre 1920, le Gym, qui s’appelle « le Gymnaste Club de Nice », dispute son 1er match de Coupe de France au stade de Fontvieille, contre la Société Sportive Herculis de Monaco. Il s’impose (4-1) grâce à des buts d’Ange Gastaud, Charles Cartotto, Joseph Ciais et Joseph Galliano.
C.D. (Source et archives : Michel Oreggia)