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Katalinski, un volcan s'éteint

Défenseur de l'OGC Nice (1975-78) figurant au firmament des Aiglons, le Yougoslave Josip Katalinski est mort ce matin. Hommages.Les Balkans et la Côte d'Azur sont en deuil. La Bosnie a perdu un de ses plus grands joueurs ; l'OGC Nice aussi. A 63 ans, des suites d'un cancer du poumon, Josip Katalinski s'en est allé ce matin. Il est parti rejoindre, quelque part (là-haut ?), les Chorda, Peyron, et autres Aiglons trop tôt envolés.

Le défenseur central a 27 ans lorsque, en 1975, il rallie l'OGC Nice en provenance du Zeljeznicar Sarajevo, son club. Appâté par l'entraîneur, son compatriote Vlatko Markovic, il précède d'un an l'arrivée de Nenad Bjekovic, un autre pilier de la grande équipe de Yougoslavie. Il impose, en 102 matches sous le maillot niçois, sa rigueur, son aisance aérienne, sa rugosité, son sens du duel, sa force physique, sa tonicité, sa relance, sa frappe puissante jusqu'au surnaturel. Et inscrit 28 buts, un total phénoménal pour un défenseur central (et un ratio aussi impressionnant en sélection : 41 matches, 10 buts).

Stoppé net, à 30 ans, par une blessure au genou, il raccroche les crampons et achète un hôtel à Juan-les-Pins, le Petit Castel. Là, il accueille fréquemment des compatriotes à qui il offre gîte et couvert pour le simple plaisir de parler du pays. Quatre ans plus tard, il s'installe à Fréjus où il tient un hôtel-restaurant. L'occasion de taper le cuir avec l'équipe locale, qui évolue en D4 à l'époque.

Pressentant la tragédie, il regagne la Yougoslavie, laissant en France sa femme et ses deux enfants : Adrian et Laura. Deux ans plus tard la guerre éclate, et lui la prend de plein fouet : des membres de sa famille sont tués sous ses yeux. Deux ans après la fin du conflit, alors qu'il reconstruit une vie, une famille et tout à la fois une patrie, il a l'indicible douleur de perdre sa fille. A 18 ans, elle succombe à un accident cérébral. "Skija" espace ses séjours en France.

Il y a quelques années, il intègre le giron fédéral et prend en charge la sélection bosnienne des moins de 19 ans. Avant que la maladie ne l'oblige à renoncer. Très affaibli ces dernières semaines, il avait subi une première intervention en tout début d'année. Hospitalisé d'urgence hier soir, il s'est éteint ce matin. Il a tiré son dernier coup-franc, écrasé son dernier mégot. Son nom, pour toujours, est gravé au panthéon des Aiglons.



Nenad Bjekovic
« Je suis effondré. Josip était un frère pour moi. Nous avons passé trois ans ensemble à Nice, à se côtoyer chaque jour. Et nous sommes toujours restés en contact. On se téléphonait souvent. Ces derniers mois, la maladie l'avait beaucoup affaibli. »

Henri Zambelli
« Sa mort me touche. C'était un super mec, et un très grand joueur. Par son expérience et son état d'esprit, j'ai beaucoup appris à ses côtés. Il savait défendre mais aussi contre-attaquer. Et quel guerrier ! Beaucoup de joueurs de talent ont porté le maillot de l'OGC Nice, mais lui gardera certainement une place à part. C'était un Monsieur, un grand, un vrai. Ce soir, j'ai aussi une pensée pour sa famille".

Marco Molitor
« Techniquement, c'était un très grand défenseur : tonique, avec des jambes particulièrement musclées, une détente extraordinaire, une rudesse extrême au duel. Avec ça, un caractère bien trempé, capable de secouer ses partenaires sur le terrain rien qu'en élevant le ton. Quant à sa frappe de balle? Exceptionnelle. Coups-francs - lointains surtout - et penaltys faisaient son régal. Toujours en force. Quand je parle de "très grand défenseur", je veux dire : la catégorie au-dessus. Malgré sa force physique, ce n'était pas un casseur de guiboles à la Domenech : il avait au contraire un vrai talent de footballeur. A l'entraînement, j'ai beaucoup progressé face à lui. Il y a des défenseurs qu'on sait pouvoir éliminer sans trop forcer ; avec lui, il fallait toujours passer la surmultipliée. Il valait mieux éviter les dribbles chaloupés. Pour l'éliminer, je savais qu'il me faudrait une grande rapidité d'exécution dans mon crochet, et surtout que je me dépêche de frapper. Sinon, avec toute sa puissance, il revenait tacler à une vitesse folle.
En dehors du terrain, je ne l'ai pas assidûment fréquenté mais je conserve l'image d'un garçon charmant, qui aimait s'amuser et rigoler. Je me souviens de ses interminables parties de cartes avec ses compatriotes Bjekovic ou Musemic : des nuits entières à taper le carton, et bien sûr pour "Skija" à fumer clope sur clope... »

Dominique Baratelli
« En fouillant ma mémoire, j'ai du mal à revoir "Skija" sans une cigarette aux lèvres ! Sa disparition m'attriste au plus haut point. Depuis son départ de Nice, il avait connu déjà