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Scott Brooks, l’homme des terrains

Minutieux, attentif, observateur et déterminé, Scott Brooks met tout en œuvre, depuis son arrivée en janvier, pour que les Aiglons puissent s’entraîner sur des pelouses parfaites au quotidien. Passé par Arsenal, Tottenham et Saint George’s Park - le centre national de la fédération anglaise de football –, expert dans son domaine, le responsable des terrains de l’OGC Nice prend la parole pour évoquer ses grands chantiers, sa méthode et ses objectifs.

Sitôt arrivé, on t’a très rapidement vu « les manches relevées », au travail…
Je ne voulais pas passer six mois ou un an à ne faire qu’observer, en me contentant de tâter le terrain et de procéder à quelques petits ajustements. Au contraire, dès mon arrivée, j’ai voulu me lancer, en concentrant mes efforts sur un terrain en particulier, en sachant que nous pourrions atteindre un bon niveau et essayer de l'améliorer chaque jour.

La confiance mutuelle est essentielle ?
Bien sûr, il est indispensable de l’instaurer avec les joueurs, les entraîneurs la direction du club. La raison est simple : si un jour on doit investir dans de nouveaux terrains, il faut que tout le monde soit convaincu par ma philosophie et mes idées. Nous avons bénéficié d’un climat favorable depuis février, donc nous avons pu agir très rapidement, avec déjà de grandes améliorations sur certains points.

Tes autres priorités ?
Une évaluation complète de tous les terrains. Il n’y en a qu’un dont j’ai été pleinement satisfait. Les deux terrains à côté de celui-ci ne pouvaient pas atteindre le niveau de performance nécessaire pour un athlète professionnel.

Qu’est-ce qu’un terrain performant ?
Un terrain qui protège le joueur des blessures et qui l’aide à exploiter pleinement son potentiel. Sur le terrain que j’évoquais, une petite rénovation n’avait pas suffi. Nous n’étions toujours pas au niveau que j’attendais, donc nous avons pris la décision de reconstruire.


 

« LE SUD DE LA FRANCE A L'UN DES CLIMATS LES PLUS DIFFICILES D’EUROPE POUR LES TERRAINS »


Quel était le problème des terrains qui ne t’ont pas convenus ?

Quand il s’entraine, un joueur de foot endommage le terrain avec ses crampons. Si la plante est forte et saine, elle se rétablit rapidement. Si, au contraire, elle est déjà en souffrance et qu’on la piétine, elle ne se remettra pas très vite et même se détériorera rapidement. Les nouvelles constructions ont une stabilité dans la structure de soutien. Donc, même si le gazon n'est pas parfait, les terrains restent très bons.

Quel rôle joue le climat ?
Le sud de la France a l'un des climats les plus difficiles d’Europe pour la pousse du gazon. On n’y bénéficie jamais d’un temps parfait pendant une période prolongée. Les terrains peuvent être particulièrement bons à certaines périodes, en avril, en mai, en octobre, mais ils ne sont pas parfaits le reste du temps. C’est mon plus grand défi : créer un gazon en bonne santé, pour que nous disposions de bons terrains toute l'année.

Cette qualité de terrain que tu évoques influe-t-elle sur les blessures des joueurs ?
Dans plus de la moitié des cas. Si la surface de jeu ne les aide pas dans leur travail quotidien, le risque de blessure est très élevé. Grâce aux nouvelles constructions, les surfaces de jeu peuvent s’adapter en permanence aux exigences du coach. Je peux préparer le terrain de différentes manières pour aider les joueurs à atteindre leur maximum pendant la séance, que ce soit dans un entraînement de 45 minutes à haute intensité ou de 2 heures. Au final, il faut qu’ils sortent avec une sensation de fatigue, mais sans douleurs. A Nice, le taux de blessure était très élevé. Mon analyse est que c’était notamment dû à l'ancienne construction du terrain. Dans les mois à venir, nous devrions voir moins de blessures, et des joueurs en meilleure forme, en meilleure santé. C’est mon objectif. Je mets tout en œuvre pour qu’ils n’aient rien à reprocher au terrain.

L’influence d’une bonne surface de jeu sur les performances de l’équipe ?
Si un joueur peut enchaîner les gros efforts à fond, sans blessure au dos ou aux genoux, son niveau augmentera mécaniquement. Il pourra exprimer la plénitude de son potentiel, et transformer une défaite en match nul ou un match nul en victoire. Mon rôle est d’aider l’équipe, à mon niveau, et donner à l’entraineur les outils dont il a besoin pour mettre en application sa philosophie. Les attentes sont élevées.

As-tu changé autre chose que la pelouse dans le terrain ?
Bien sûr. On ne peut pas se contenter de construire le terrain. Prenons l'irrigation. Après la pose du sable, nous avons commencé à installer un nouveau système avec des réservoirs de rétention pour l'eau. Si un jour survient un problème d’approvisionnement, nous aurons assez d'eau stockée sur le site pour maintenir les terrains en vie. Nous avons aussi augmenté la pression de sorte que l'eau couvre des surfaces plus grandes. A terme, j’espère pouvoir économiser 30% de consommation d’eau.

Comment ?
J’ai choisi un système utilisé dans l'agriculture au Brésil, dans les cultures de pastèques. Là-bas, le climat est assez sec, comme à Nice. J’ai transposé ce système au football. Ce sera une première. L'idée, c’est que lorsque vous arrosez le terrain, l'eau traverse mieux son profil, grâce à sa construction spécifique.

Au-delà de la performance, l’enjeu est aussi environnemental…
Il en va de notre responsabilité. Nous devons essayer d’agir au quotidien. Nous n’utilisons déjà pas de combustibles fossiles pour couper l’herbe. L’eau, c’est un nouveau pas dans la bonne direction.

Pourquoi une base stable est-elle importante ?
Si les joueurs courent et que le terrain bouge trop, c'est là qu'ils commencent à avoir des problèmes de fatigue musculaire et d'autres soucis du même type. Parfois, vous utilisez un seul sable sur toute la longueur et vous mélangez un peu de matière organique dans la partie supérieure pour la rétention des nutriments. Mais ici, nous avons estimé qu'il était nécessaire d'utiliser deux sables différents. Le sable pur nécessite un arrosage soigneux. Pas nécessairement plus d'eau, mais la quantité suffisante pour couvrir toute la surface de façon uniforme. Le nouveau système d'irrigation va nous le permettre. Désormais, je pourrai mettre tous les arroseurs en marche pendant cinq minutes et tout sera parfait pour l’entraînement.

A qui fais-tu appel pour t’épauler ?
Il n’était pas question de me borner à amener l'Angleterre à Nice, en nous privant de ce que la France avait à offrir. J’avais travaillé avec la société française « Natural Grass » à Arsenal. Elle est très professionnelle et capable de fournir la qualité que j'exige. Donc ce fut mon premier choix  quand nous avons décidé de construire les terrains ici.
 

« JE SUIS TOUJOURS À L’ÉCOUTE DES COACHS ET DES JOUEURS »


Quels sont tes rapports avec les joueurs ?

Je suis toujours à l’écoute. Par exemple, les joueurs se plaignaient du terrain dont nous parlions tout à l’heure. Ils le trouvaient un peu « mort ». Ils en sortaient très fatigués, avec notamment des douleurs dans le bas du dos. Durant sa rééducation, Youcef (Atal) y a travaillé pendant une heure et a dit qu’il ne ressentait plus rien. C'est la chose la plus positive que j'aie entendue depuis que je suis ici.

Interviens-tu aussi sur les surfaces synthétiques ?
Les synthétiques sont un grand atout pour le Gym, car de nombreuses équipes du club doivent utiliser un même terrain pendant de nombreuses heures. Mais attention, les gens pensent souvent qu'il suffit d’installer le synthé’ et qu’il n’est plus utile de s’en occuper ensuite. C’est faux. Un bon terrain synthétique correctement entretenu peut également aider les joueurs à atteindre un très haut niveau. Ce que j'aime dans ces surfaces, c'est leur construction, leur composition qui fait que le joueur utilise des groupes musculaires différents de ceux dont il se sert sur gazon naturel. Si vous vous entraînez à la fois sur des terrains synthétiques et des terrains naturels, vous pouvez créer des athlètes un peu plus forts, un peu plus robustes et un peu plus résistants aux blessures.

Comment seront agencés les terrains lors de la saison 2020-21 ?
Sur les trois terrains, mon intention est d’en avoir un au milieu, dédié aux échauffements, au travail de sprints rapides, aux changements de direction et à tout ce qui cause beaucoup « dégâts » sur la pelouse. Et d’avoir de chaque côté deux terrains absolument parfaits pour tout le reste.
Le coach voulait un environnement très isolé, mais en même temps très ouvert. Nous commençons donc à supprimer certaines clôtures, de sorte que le groupe puisse s'entraîner sur un terrain dans la première demi-heure puis sur l’autre pour la suite de la séance.

Tout sera prêt le 15 juin, pour la reprise de l’entraînement ?
Honnêtement, j’aurais peut-être eu besoin d’une ou deux semaines supplémentaires pour que tout soit parfait. A la reprise, je souhaite pouvoir leur présenter quelque chose de bon niveau, et que le 1er terrain soit fini avec les coutures, ensemencé et revêtu d’une couverture. Nous continuerons à évoluer vers un très bon niveau pour la suite de la préparation.

Quid de l’Allianz Riviera ?
La régularité est la clé. Les terrains sur lesquels vous vous entrainez et vous jouez doivent être similaires. Quand c’est le cas, il est possible de considérer que le terrain constitue un avantage. Car les joueurs vont s’adapter très rapidement et leur niveau de performance sera plus élevé. Dans le cas contraire, il leur faudra 10 à 15 minutes pour prendre le pli. Ce qui peut faire la différence entre une victoire et une défaite. Donc, pour moi, il est essentiel que les surfaces de jeu du centre d’entraînement et de l’Allianz se ressemblent le plus possible. Nous y travaillons.