Entretien
Lucien Favre : « Une expérience fantastique »
Le Borussia Dortmund a officialisé mardi l’arrivée de Lucien Favre. Après avoir fait le tour des bureaux vendredi pour saluer un à un tous les salariés du club et conduit une dernière fois l’équipe au Groupama Stadium, Lucien Favre avait pris le temps pour les lecteurs d’OGCNICE.COM de rembobiner la bande de ses deux années niçoises. Entretien.
Au-delà du classement final, quel bilan faites-vous de cette saison ?
Nous sommes revenus de très loin. Après 11 matchs, nous avions 10 points. Nous étions très très mal. Nous avons refait petit à petit un chemin. Il a fallu s'accrocher. C'était dur. Nous avons trouvé un système 4-3-3 boiteux par moment, un peu déséquilibré, mais nous avons su retrouver un niveau correct. Dans l'ensemble, nous avons fait une saison très correcte, compte tenu de tout cela.
Une saison marquée par une période très difficile, où l’équipe est descendue jusqu’à la 17e place…
C'était important d'avoir des dirigeants qui restent calmes à un moment donné. Ils ont montré leur intelligence.
Vous êtes-vous senti menacé quand ont commencé à poindre les questions en conférence de presse sur votre maintien à la tête de l’équipe ?
J'ai vécu des moments similaires partout où je suis passé et je m'en suis toujours tiré. J'ai l'habitude. Il n'y avait pas de problème pour moi. Je sais qu'il faut rester calme dans ces situations et analyser la réalité. Nous sommes toujours restés solides en interne. C'est la preuve que Nice a acquis une certaine maturité, et c'est bien. C'était très important de rester unis dans ces moments-là, de continuer à bosser, d'y croire. Et nous nous en sommes bien tirés. Dans le 2e tour (matchs retours, ndlr), nous nous sommes bien repris. Ce fut ensuite difficile de nous battre. Nous n'avons plus perdu que contre Paris, Marseille et Lyon par un but d’écart. C'est tout de même positif.
« J'ai toujours de la peine à partir. Encore plus d'ici »
Dans le contenu quel match retenez-vous en particulier cette saison ?
Monaco, ici, en coupe de la Ligue. C’est le plus beau que nous avons fait. Nous avons vraiment été très bons. Le contenu était bien, il y avait des occasions,... Nous ne devons jamais perdre ce match, nous méritions de passer. C'est regrettable. Nous n’avons pas su provoquer la réussite.
Quel poids a pesé la coupe d’Europe sur le début de saison difficile en championnat ?
L'Ajax, ce fut positif, puisque nous sommes passés. Naples, c'était très haut pour nous dans l'état où était l'équipe. Nous étions trop friables, d'autant que nous avons perdu deux joueurs côté gauche dans cette période (Eysseric et Dalbert). Il a fallu retrouver des solutions. Nous étions en période de rodage. Et nous ne pouvions plus répéter les différents systèmes de la saison passée. Ce sont des arguments qui ont manqué.
Cette équipe avait de la qualité. Il nous a manqué peu de choses. Une saison, cela peut tenir à deux joueurs en plus ou en moins. Peut-être à un seul des fois. C'est tellement fragile l'équilibre d'une équipe.
Le club vous semble-t-il sur de bons rails ?
Oui, je le pense. Après, l’histoire d’une saison… Vous pouvez louper le départ, la fin,... Cette saison, nous avons par exemple connu deux séries où nous avions 7-8 blessés pendant un mois. En tout, cela fait deux mois où nous avons dû nous passer de beaucoup de joueurs. Nous avons joué avec un effectif très jeune un long moment. C’est indispensable de trouver le juste équilibre entre joueurs très expérimentés et très jeunes.
Quelle image vous retiendrez de Nice ?
Que du positif ! Entre le club et la vie ici, c'était magnifique.
Quel sentiment vous anime à l’heure de partir ?
J'ai toujours de la peine à partir. Encore plus d'ici. Je le disais déjà en fin de saison dernière quand on m'interrogeait sur mon avenir. Je répétais que je n'étais jamais parti au bout d'une seule année.
Je ne suis pas très émotif en direct. Quand je réfléchis, c'est différent. C'est dur de quitter Nice. Je me plaisais ici. Mon épouse aussi. C'est un cadre de vie extraordinaire. Nice, la région, c'est magnifique. Ce n'est pas pour balancer de la pommade. C'était une expérience fantastique.
« C'est difficile de dire non à Dortmund »
On vous sent réellement attaché au club, à ses hommes,…
Mon rapport au club était très bon. Nous nous reverrons avec plaisir dans le futur avec le président ainsi que nos épouses car elles s'entendent bien aussi.
La relation humaine avec tous les joueurs, sans exception, a été fantastique. J’ai travaillé avec des hommes avec lesquels on ne peut que s’attacher.
Notre entente au sein du staff fut une grande satisfaction. Même chose avec le staff médical, les dirigeants,… tout le monde. Il n'y pas eu de heurts, d'histoires, même quand ça tournait moins bien.
C'est un club bien dirigé. Un endroit chaleureux. Les gens sont gentils. Et pour ma part, j'ai rarement des problèmes relationnels. Je respecte tout le monde.
Pour tout vous dire, j’aurais aimé avoir plus de temps pour prendre parfois un petit pot d’une heure avec les gens ici, discuter avec eux. Chacun est dans son boulot. J’ai le mien, vous avez le vôtre, tout le monde a le sien. C’est normal. Mais j’ai fait de belles rencontres. Mon épouse aussi. Nous avons passé deux ans top.
Pour quelle raison avez-vous émis le souhait d’aller à Dortmund ?
Je n'ai pas émis le souhait de partir. C'est Dortmund qui a fait la sollicitation. Ne pas être parti l’an dernier ne m'a jamais travaillé. Il s'est trouvé que Dortmund était de nouveau là cette année. C'est tout. C'est un des meilleurs clubs européens, avec 81.000 spectateurs à tous les matchs. Je ne connais pas la ville. Je n'y suis jamais allé si ce n'est pour y jouer avec 'Gladbach et le Herta Berlin. Si j'avais 35 ans, je serais peut-être resté à Nice 4-5 ans. C'est un choix. C'est difficile de dire non à Dortmund.
Le fait de retrouver la Bundesliga, un championnat qui vous plait particulièrement, a dû aussi compter…
Mais le championnat de France me plait bien aussi. Il y a des différences sur la taille des stades, sur les affluences, mais après cela ne change pas le football. Le ballon, l'entraînement, la surface, c'est la même chose.
« Le centre ? Un exploit »
Avez-vous un regret ?
Non, il ne faut pas. Ca ne sert à rien.
Comment voyez-vous l’avenir pour l'OGC Nice ?
Le club tend à se stabiliser dans le haut du classement. Mon prédécesseur Claude Puel avait fini 4e, puis 17e, 11e et de nouveau 4e. Deux bonnes saisons et deux autres très dures, à la limite de la relégation. C'est pour cette raison que j'avais dit de faire attention en débutant cette saison. Parce que c'est dur de stabiliser l'équipe, surtout avec des moyens financiers nettement moins importants que les autres. Quand vous avez moins de 50 millions de budget et les autres comme St Etienne et Bordeaux 80, il faut aussi accepter ces limites. On ne peut pas clamer que nous allons finir à telle ou telle place, alors que les autres concurrents ont le double de budget. C'est normal que certaines années soient un petit peu plus difficiles.
Comme jugez-vous l’évolution du club ?
Se retrouver dans un centre comme celui-là, alors que le club a été repris il y a quelques années dans une situation très difficile, c'est assez exceptionnel. C’est un exploit. Quand on voit ces installations, le niveau pratique, c'est extraordinaire. Vous sortez du vestiaire, vous êtes à trois mètres des terrains. C’est un développement important.
Y compris en matière de formation…
Pour jouer régulièrement les 8 premières places, il faudra avoir un centre de formation prolifique, sortir des jeunes de haut niveau, qui puissent être l'âme de l'équipe lorsqu'ils seront murs. Des jeunes, bien formés à 14-15 ans, peuvent éclore ensemble à 18-19 ans et ce sont souvent ceux-là les leaders de l'équipe ensuite. Parce qu'ils ont été formés là pendant 3, 4, 5 ans, qu'ils sont à l'aise ici. C'est très important.
Un mot pour décrire les supporters niçois ?
Ils sont magnifiques Ils ont tout le temps été là. Ils mettent une sacrée ambiance. Ils ne lâchent pas de tout le match. Ils n'ont jamais pris l'équipe en grippe. Cela veut dire qu'ils réfléchissent, qu'ils connaissent très bien le football. Je m'en suis rendu compte lors de différents échanges. C'est ça qui me plait. Il n'y a pas de foot sans supporters. C'est l’âme du club. Une équipe sans supporters, ce n'est pas terrible.
Propos recueillis par Laurent Oreggia