Portrait

Simon Pouplin, gentleman ganté

Stature imposante, démarche altière et mèche en arrière, Simon Pouplin promène une certaine élégance dans la vie de tous les jours. Un style poli qu’il troque volontiers pour partir à la guerre dès qu’il pose le pied sur le pré. Qu’il enfile les gants et prend position dans les bois, une terre brûlante particulièrement exposée. Revenu dans le 11 titulaire à Lyon et toujours très convaincant au fil de ses différentes sorties (6 en L1 cette saison), le portier possède également le recul nécessaire pour analyser une situation hybride avec calme et sincérité, et donner aux échanges un éclairage peu habituel. Différent. Il faut dire qu’à bientôt 30 ans, il promène derrière lui un parcours sinueux, faits de périodes fastes et de moments de creux. Le genre de trajectoire singulière qui développe un joueur, façonne un homme, et permet d’envisager le futur avec sérénité.

De la ferveur à l’anonymat

Lorsqu'il débarque au Gym l'été dernier, Simon Pouplin n’est pas un inconnu, mais l’impression générale sur son parcours est souvent imprégnée d’une ellipse difficile à expliquer. Un « trou » durant lequel le foot français l’avait perdu de vue, et la masse des suiveurs avec. Pourtant point de mystère dans le parcours du bonhomme, lancé en L1 pour la première fois à 18 ans au  Stade Rennais, avant de s’imposer dans l’élite hexagonale à 21, de la quitter à 24 et d’y revenir à 27. Entre temps ? Pas mal de rencontres disputées, un voyage à l’étranger et une année sans club. Rien que ça !
Pas utilisé lors de sa dernière saison bretonne, celui-ci fait le choix de s’envoler en Allemagne lors de la saison 2008 / 2009, pour y rejoindre un club de division 2, le SC Fribourg. Un pari audacieux s’apparentant rapidement à coup de poker génial. « J’ai vécu des choses magnifiques en Allemagne, se souvient le natif de Cholet. Ma première saison s’est validée par un titre de champion. Celle d’après, j’ai découvert la Bundesliga, les infrastructures impressionnantes, les stades. J’ai eu la chance de jouer face à Dortmund pour les 100 ans du club, devant 80 000 spectateurs, quelque chose d’énorme… Globalement, j’ai été impressionné par la manière extraordinaire dont les Allemands - clubs, supporters et joueurs - vivent le foot. »

Outre-Rhin, Pouplin grandit. Enchaîne. Sa côte grimpe, mais son pied grince durant sa 3e et dernière année de contrat. Il se blesse, n’est pas renouvelé, ne voit aucune offre arriver sur la table et se résoud à passer une saison sans club. « Au début, c’était difficile à vivre, reprend-il. Mais j’ai rapidement trouvé la manière de mettre cette année à profit, et je n’ai pas peur de dire que je perçois les choses autrement depuis. Je me suis aperçu qu’il y avait une autre vie à côté du football, avec pas mal de domaines à explorer et à découvrir. » La clef de la sagesse. « Je suis rentré dans ma ville natale, à Cholet. J’ai pu m’entraîner dans le club local ou en salle, mais j’ai coupé avec le circuit pro. A côté, j’ai commencé à passer les diplômes d’entraîneur, effectué une formation de créateur d’entreprise, et touché à plusieurs secteurs, en m’intéressant aussi à ce qui pouvait se faire au niveau médiatique. C’est vraiment à ce moment, en rencontrant divers horizons, que je me suis rendu compte que les footballeurs, nous étions des privilégiés. »

Lucide et ouvert sur certaines réalités « hors sport », Simon ne tarde pourtant pas à mettre cette période délicate à profit, puisqu’après avoir effectué quelques séances au FC Nantes, il s’engage finalement à Sochaux. Oeuvre grandement au maintien des Lionceaux lors de la saison 2012 / 2013, mais ne peut empêcher l’équipe de chuter en L2 l’an dernier.

Paratonnerre  

Vient cet été le temps du renouveau. D’un autre départ. Son contrat dans le Doubs résilié, l’homme cherche un nouveau challenge à relever. Suite à la blessure de Joris Delle aux ligaments croisés, le Gym le contacte. Le bail d’un an ne tarde pas à se signer : le Breton de formation se voit proposer le poste de numéro 2, où son expérience doit tirer le groupe vers l’avant et favoriser l’éclosion au plus haut niveau de Mouez Hassen. « Je connaissais la donne d’entrée » précise-t-il sans sourciller. « J’avais parlé de mon rôle avec le coach. Je savais que je n’étais pas appelé à jouer beaucoup, donc j’en ai profité pour beaucoup travailler à côté, notamment avec Lionel (Letizi, entraîneur des gardiens) et donner mon maximum aux entraînements pour aider le groupe. Je savais aussi que j’étais susceptible d’être aligné lors de certaines périodes, j’étais au clair avec ça. »

Des « périodes » où la pression se fait de plus en plus intense, et où son bagage devait faire office de paratonnerre. Un mission périlleuse mais stimulante, comme il se plait à l’analyser : « Je n’ai pas 400 matches de L1, certes. Mais j’ai tout de même évolué 200 ou 250 fois au haut niveau, j’ai connu l’étranger, la course au maintien, la relégation… Tout ça m’a appris pas mal de choses, notamment sur ce qu’il convient de faire ou pas quand la tension se fait plus dense ». Avant la trêve hivernale, alors que le Gym traverse une période très compliquée, il dispute trois rencontres et fait preuve d’une sacrée réactivité, en se montrant rassurant et efficace d’entrée. 

Bis repetita fin mars, quand les résultats des Aiglons fléchissent (3 nuls et 4 défaites), que le contexte extra-sportif se détériore et qu’il signe son retour par une performance XXL à Lyon. Sûr dans ses prises de balles, bondissant sur sa ligne, le numéro 16 ne tremble pas, et participe grandement au redressement rouge et noir.  « Il remplit son job, et même plus, souffle Claude Puel. Je pense qu’il arrive à maturité, ce qu’il fait est très bien. Il a une bonne gestion, beaucoup de calme, et ça rejaillit sur ses partenaires également. Ce n’est pas évident de remplacer au pied levé Mouez quand on est dans une situation délicate et de relever ce challenge. Il le fait de fort belle manière, c’est très costaud. Ca montre tout simplement que c’est un bon gardien, voire un très bon. Je suis très heureux qu’il nous ait fait confiance, il nous prouve qu’on ne s’est pas trompés. »

Droit dans ses bottes, Pouplin sait pour autant que tout va très vite en football. Bannit toute idée de projection lointaine, et se contente de se concentrer sur les échéances qui se profilent et la mission maintien à accomplir. Le tout en profitant d’un cadre de vie qui le comble. « On verra de quoi l’avenir sera fait, pour l’instant, je ne pense qu’à aider l’équipe et le club à assurer son avenir en L1. Mais une chose est certaine : la vie sur la Côte d’Azur est extraordinaire, et je me plais beaucoup ici. » La conclusion d’un homme pour lequel le terrain symbolise l’essentiel, mais pas l’unique composante du bien-être.

Constantin Djivas