Interview
Julien Sablé : « Devenir une place forte de la formation »
Ancien capitaine du Gym et ancien entraîneur adjoint des pros, Julien Sablé a pris la direction du centre de formation niçois et du groupe élite l’été dernier. A mi-saison, il livre un point d’étape sur l’évolution de l’académie et les perspectives qui se dessinent.
Depuis le 1er janvier, Fabien Caballero est officiellement devenu Directeur adjoint du centre de formation en charge du recrutement. Que peux-tu nous dire de cette arrivée ?
Le premier appel avec Fabien remonte à la mi-octobre et avant cela, on ne se connaissait que de réputation. Lorsqu’il a fallu recruter cet automne, Flo (Maurice) a rapidement établi une « short list ». Ça a été un moment où nous avons passé beaucoup de temps ensemble. Il savait que Fabien était peut-être susceptible de se poser des questions sur son avenir. Il me l’a proposé en me disant : « Sens-toi à l’aise, je le connais, je connais sa qualité, mais c’est toi qui proposeras ton choix. » J’ai appelé Fabien et de suite, ça a collé. On a passé une heure et demie au téléphone et son arrivée est rapidement devenue une évidence, que ce soit au niveau de ses valeurs ou des choses dont on a discuté. Lui comme moi, nous arrivons à des périodes de notre vie où nous voulons sortir de notre zone de confort. On veut croire en un projet attrayant où on se sent suivis par nos dirigeants.
Avec vos dirigeants, il a fallu que vous soyez réactifs pour trouver une organisation optimale en cours de saison…
L’enjeu, c’était de montrer qu’on pouvait taper un grand coup et continuer à avancer, malgré des imprévus. Fabien, en partant de Lyon, un club réputé « européen » dans la formation, est un grand recrutement. Il a donc été proposé à Fabrice Bocquet qui s’est entretenu avec lui, comme avec d’autres candidats. Son assentiment a rejoint celui de Flo et le mien. Alors il a fallu le convaincre, il est venu une ou deux fois, et depuis octobre, c’est comme si on avait passé 10 ans ensemble. On a été tous les jours au téléphone pour s’ajuster. Depuis le 1er janvier, il est là physiquement, on échange sur beaucoup de choses, le recrutement, la structuration du futur centre. Là, c’est une année de mise en place. Dès le mois de juin, on doit avoir une organisation de très haut niveau pour lancer le cycle pleinement, avec les hommes qu’on a choisis, pour assurer une vraie continuité de la préformation à la formation, afin de façonner des joueurs de haut niveau capables de s’intégrer pleinement dans l’équipe pro.
Une clé, c’est la communication…
Tout à fait. Par exemple, Fabrice (Bocquet) a souhaité mettre en place un comité sportif réunissant autour de la table à la fois la branche professionnelle, avec Florian Maurice, Franck Haise et Laurent Bessière (directeur de la performance), mais aussi les responsables de la formation, c’est à dire Fabien et moi. Cela n’existait pas avant. Et cela illustre parfaitement notre volonté de décloisonner totalement les pros et le Centre.
Cette verticalité et ces échanges réguliers nous permettent de partager un maximum d’informations pour travailler le plus efficacement possible.
Quel est le périmètre de Fabien ?
Le recrutement, à 90%. Un projet ambitieux et des idées, c’est bien. Mais il faut être capable de ramener de la qualité avec des jeunes joueurs, pour que les techniciens puissent les développer au mieux. Fabien m’accompagne aussi sur le côté organisationnel, et me fait profiter de son expérience pour bien organiser le centre.
Tu évoques la préformation. Elle occupe une place importante dans le projet global ?
Bien sûr, le travail de préformation est très important. Nous devons tous travailler main dans la main, avec de grands principes communs, que nous déclinons en fonction des âges, et avec des objectifs. Il en va de même aussi avec l’Ecole de Foot.
Dans le projet global, surtout en jeunes, le plaisir occupe une place majeure…
… Et ce pour une raison très claire : avec nos dirigeants et les éducateurs, nous partageons un constat : les joueurs arrivent souvent au centre en manquant de fraîcheur. Depuis jeune, on leur met une certaine pression, autour du terrain, avec les parents, les entraîneurs. Donc au moment clef de leur parcours, ils saturent. C’est ce qu’on souhaite combattre pour qu’ils nous rejoignent en étant frais, bien dans leur tête, bien dans leurs baskets, bien sur le terrain. C’est pour ça que la notion de plaisir est essentielle dans la préformation, ce qui n’empêche ni le travail, ni la rigueur. On avait annoncé en début de saison que tout le monde aurait du temps de jeu, que les petits allaient prendre du plaisir. On essaie de mettre des actes sur nos discours. On n’est pas là à vouloir « gagner à tout prix », alors qu’à cet âge-là, les petits doivent développer certaines compétences, surtout au niveau technique, car ce sont des « éponges ». Le résultat doit être un aboutissement mais pas une fin en soi, week-end après week-end. Si on fait 5 heures de car, qu’on fait 0-0 contre un club pro et qu’on ne fait pas entrer un gamin car on doit tenir le score, c’est qu’on se trompe. À partir du moment où le petit est licencié chez nous, c’est normal qu’il entre. D’expérience, on sait que le maillot du Gym est très dur à porter « localement ». Si vous n’êtes que dans l’exigence, votre joueur local, celui qui à l’ADN pur du club, il arrive en étant essoufflé. Il faut combattre cet « essoufflement ».
Comment ?
Par le plaisir, par de la rigueur, par l’encadrement… Il faut de la compétence, de l’humain, et un petit quelque chose en plus d’ici. Tout tourne autour de ça. Je parle souvent de « l’ADN du Gym » que les jeunes doivent avoir. Mais concrètement, à tous les niveaux du club, des gens sont là pour le transmettre. La liste est longue et je ne pourrai pas la dresser d’une manière exhaustive. Pardon pour ceux que j’oublie, mais si on y pense rapidement, tu as des anciens pros : Jo’ Audel avec le groupe élite, Cédric Varrault (entraîneur des U17), Apam (entraîneur des U15). Des anciens passés par le centre de formation : Arthur Leblanc (entraîneur adjoint préparateur physique & responsable des phases arrêtées des U17), Jérémy Quiez (entraîneur des gardiens et responsable des gardiens)… Au niveau de l’encadrement du centre et de la scolarité, c’est pareil, tu as de véritables référents qui font du bon travail et sont les garants des valeurs de l’OGC Nice Tout est important et ce sont eux qui permettent aux nouveaux de bien s’adapter. Nous devons continuer sur cette voie.
Le projet global, c’est aussi une unité de lieu, puisque toutes les catégories du club partagent les mêmes installations, ce qui facilite les contacts…
Complètement. C’est d’ailleurs pour cette raison que des travaux d’amélioration et de réfection du Complexe de la Plaine vont être réalisés. Les dirigeants ont décidé d’investir pour doter les équipes de jeunes d’un outil encore plus performant. Ça doit nous permettre de passer un nouveau cap au niveau de la formation, mais ça profitera aussi aux équipes de la préformation, de l’école de foot et de la formation des féminines. C’est bien de montrer qu’il y a une continuité. Dans les clubs pros, on pense souvent qu’on ne s’occupe pas assez bien des petits qu’on a. On doit, au club, montrer de l’intérêt à tout le monde. L’exemple, c’est Franck Haise et son staff qui nous le donnent au quotidien. Ils sont toujours disponibles pour échanger, ils sont attentifs aux résultats des jeunes et viennent parfois voir nos matchs, tout comme les dirigeants. Tout le club est ambitieux et tout le monde se soutient. C’est très plaisant à vivre au quotidien.
Quels objectifs peux-tu fixer à moyen terme ?
Que nos joueurs continuent de se développer, sur le volet sportif et également sur l’aspect humain, en formant des joueurs mais également des hommes. Sur un plan organisationnel il faut que l’organigramme sportif soit complet d’ici la fin de saison, pour que les joueurs qui nous rejoignent cet été soient sur un cycle que l’on aura choisi à 100%, tant au niveau humain qu’au niveau des objectifs et des principes. Aujourd’hui, quand on réfléchit tous ensemble, j’essaie d’imaginer l’OGC Nice dans 5 et 10 ans, au niveau de la formation. L’objectif, c’est de sortir des joueurs de très haut niveau qui correspondent au top 7 de la L1. C’est l’ambition légitime de notre équipe première. On doit avoir des joueurs qui puissent rentrer dans l’équipe avec ce potentiel. On doit pouvoir les développer en qualité et en nombre. L’ambition des dirigeants et la nôtre, c’est de devenir une place forte de la formation. Qu’on soit reconnus pour ça. C’est essentiel pour l’OGC Nice de continuer à avoir cet ADN et de devenir une formation de très haut niveau.
Bernard Nguene a été le 7ème jeune à être lancé par Franck Haise. Qu’est-ce que ça t’inspire en tant que Directeur du centre ?
Quand j’ai pris le centre et l’équipe élite cet été, j’ai dit tout de suite aux jeunes que c’était une saison à opportunités. Les années Coupe d’Europe sont comme ça. En France, la formation est essentielle pour la vie d’un club. Nous avons un outil qui est en train de se développer. On est en train d’améliorer les infrastructures avec les dirigeants, parce que c’est aussi nécessaire dans l’évolution de notre centre. Aujourd’hui, on sait que c’est bien. Il y a des jeunes qui ont attaqué. On veut qu’ils saisissent vraiment leur chance et qu’ils s’installent, parce qu’ils sont programmés pour ça. C’est tout le travail qu’on fait avec les dirigeants. Programmer un joueur et lui faire de la place en pro, c’est toute la beauté d’un vrai club qui met la formation au centre des choses. Anticiper, laisser la place. C’est beaucoup de communication et c’est ce qui amène beaucoup d’énergie positive.
Evann Guessand, meilleur buteur de l’équipe, est un joueur formé au Gym. Vous vous servez de son exemple ?
C’est une chose sur laquelle on s’appuie beaucoup dans notre réflexion. Dans ce que le Club a plus ou moins bien fait. Aujourd’hui, des joueurs qui sortent du centre et qui sont déjà prêts, il n’y en a pas beaucoup qui tombent. En revanche, Evann a été prêté et a respecté les étapes de la construction d’un jeune joueur, même si par moments, il aurait pu être plus considéré ou plus programmé. Cette année, il explose. Ces dernières saisons, il a été accompagné pour qu’il puisse donner la pleine mesure de son talent. Mais il y a d’autres exemples, le prêt d’Issaga Camara cet hiver est pensé dans un objectif de temps de jeu, pour qu’il puisse poursuivre son développement avant de revenir ici plus fort.
Le point sur les clubs partenaires
En marge de cette première prise de parole, Julien Sablé a effectué un point sur les partenariats du Gym avec les clubs amateurs : « Aujourd’hui, on veut quelques clubs partenaires, mais des vrais partenaires sportifs. On a attaqué avec Fleury. On va signer avec le Burel. On veut avoir des vrais partenariats et pour que ce soit le cas, on ne peut pas en avoir beaucoup. Le but, c’est que ces clubs soient nos yeux sur le territoire et qu’ils soient un endroit de développement. Il y a aussi toute une partie technique, autour de la méthodologie, qui nous concerne. On a autant à apprendre des clubs amateurs et de leurs contraintes qu’à leur donner au niveau de l’expertise, parce qu’on a plus de moyens qu’eux. On veut que nos partenariats soient basés sur l’humain, qu’ils nous lient à des personnes avec qui on a envie de travailler. »
« Nos partenariats ne signifient pas forcément que les joueurs des clubs avec qui nous sommes liés vont venir chez nous. Ce n’est jamais aussi facile. On a des clubs du coin qui sont partenaires avec d’autres structures professionnelles et ça ne les empêche pas de venir ici… D’où l’intérêt d’avoir un vrai travail de fond. C’est aussi que des joueurs qu’on a observés puissent se développer dans ces clubs avec une vraie continuité par rapport à ici, de sorte qu’ils connaissent notre manière de fonctionner à leur arrivée chez nous. ».
« Localement, on a également besoin de resserrer les liens avec les clubs de notre territoire, en n’ayant que deux ou trois gros partenariats à terme, poursuit Sablé. Fabien a entrepris une visite de tous les clubs des alentours. Il rencontre du monde, il se fait connaître. Notre préformation et notre École de foot jouent régulièrement dans tous les stades du bassin niçois, on a beaucoup de liens à renforcer avec tous les clubs d’ici et des échanges réguliers pour avancer dans le bon sens. Nous ne sommes pas donneurs de leçons. Nous avons beaucoup d’humilité : on a autant à apprendre d’eux que ce qu’on peut leur apporter. On est sur un pied d’égalité. Enfin, dans le cadre du programme Gym Avenì, qui implique les équipes commerciales du Club, on a 4 interventions avec 4 thématiques auprès des clubs locaux. On en a déjà fait une sur la méthodologie à ce jour. Nous allons en avoir une sur le projet de formation, une autre sur la préparation et la performance athlétique, et la dernière sur la préparation mentale. Notre volonté, c’est que l’OGC Nice soit un club ouvert et profondément lié à son bassin. »