Interview
Souquet : « Quand tu vas avec le maillot du Gym à Bastia… »
Le dernier but d’un Bastia – Nice en compétition officielle, c’est lui qui l’a marqué. Nous étions le 20 janvier 2017. Co-leader de la L1 avec Monaco, le Gym était tenu en échec à Furiani (J21 1-1) et perdait du terrain sur son voisin princier. Lui, c’est Arnaud Souquet, aka « Souquetinho ». Deux saisons magnifiques avec le maillot rouge et noir de 2016 à 2018, 70 matchs au compteur (2 réalisations), des souvenirs dans la tête et une affection pour le club rouge et noir dans le cœur. Désormais aux États-Unis, au Chicago Fire, le défenseur est resté fidèle à lui-même : on a fait appel à lui avant le retour des Aiglons en Corse et il a répondu présent, en tenant son rang. Avec une sympathie et une bonhommie qui résistent à l’épreuve du temps…
« Ça, tu peux le dire, il y avait de la rivalité… »
Arnaud, tu es le dernier buteur d’un Bastia – Nice à Furiani…
De la tête en plus ! Sur un corner de Wylan Cyprien, de mémoire. Ça rappelle de bons souvenirs car c’étaient de belles années. Cette saison 2016-17 reste, pour l’instant, la plus marquante du Club dans la période moderne, en termes de points, de victoires, de classement (une 3ème place finale, ndlr). Mais c’est sûr qu’il y en aura une encore meilleure qui nous fera un peu disparaître. C’est ça la beauté du foot.
Tu as connu la rivalité des Bastia – Nice. Comment l’expliquerais-tu aux plus jeunes ?
Ah ça, tu peux le dire, il y avait de la rivalité... Les supporters ne peuvent pas se voir, on le sentait bien. Chez nous, déjà, c’était tendu. Chez eux aussi. Le contexte corse n’est pas simple, mais quand tu y vas avec le maillot du Gym, c’est encore autre chose. Si tu y allais en te disant : « J’ai peur du contexte », tu étais battu d’avance. Ce qui n’était pas notre cas. C’était chaud en avant-match mais sur le terrain, ça n’avait pas été une rencontre tendue. Il n’y avait pas eu de mauvais geste. L’atmosphère à l’extérieur était électrique mais si je suis honnête, j’aime ces ambiances. Tant que ça reste raisonnable, c’est bon à vivre. Ce sont des matchs avec une saveur particulière. Tu joues aussi pour ça.
C’était pareil quand tu y allais avec Montpellier ?
Ça restait chaud par rapport au contexte et au fait qu’il fallait se sauver. Mais hormis ça, non, ce n’était pas pareil. La rivalité entre supporters, c’est le petit truc en plus. Nice – Bastia, c’est un match que tu ne dois pas perdre.
Quelle place occupent ces années niçoises dans ta carrière et dans ta vie ?
Aujourd’hui, la saison 2016-17 reste la meilleure que j’ai faite footballistiquement. Au-delà de ça, tu avais cette ambiance, ce groupe qui vivait bien. C’est difficile à expliquer, mais tu as des années comme ça, où tu sens une sorte de force collective. Il y avait une très bonne ambiance avec tout le monde.
« Dante, Balotelli, Belhanda… C’était une équipe de fous furieux »
Tu arrivais de Dijon, avec une grosse concurrence à ton poste…
C’est ça. Je suis arrivé en tant que numéro 2 de Ricardo. Je suis rentré dans l’équipe quand il s’est blessé, après nous avons joué ensemble, car il évoluait un cran plus haut, juste devant moi, à son retour. Je crois que je joue 35 matchs cette saison, toutes compétitions confondues. On avait un bon groupe. On avait réussi à faire mieux que la saison de Claude Puel juste avant, qui avait déjà été très bonne (le Gym a terminé 4ème en 2015-16).
Sur un plan plus personnel ?
J’étais dans un groupe où je travaillais au quotidien et où je progressais. En tant que jeune joueur, je n’avais qu’à bosser dur et regarder ce qu’il y avait autour de moi. J’avais quand même la chance d’être avec des Dante, Balotelli, Belhanda… C’était une équipe de fous furieux quand même, quand tu y penses. Sur le papier, c’était dingue.
Qu’est-ce qui te reste en tête ?
L’ambiance. Tous les mois, on allait faire un repas d’équipe ensemble. Puis il y avait des joueurs énormes. Mario, par exemple, son image à l’extérieur n’a rien à voir avec le coéquipier qu’il est. Quand tu joues avec lui, il est très dur, très « performeur ». À l’extérieur, il est boute-en-train, il rigole, il détend tout le monde. C’était pareil avec Dante. D’ailleurs, voir encore jouer Dante maintenant, ça me régale. Je me dis que c’est beau. C’est un exemple de professionnalisme et de haut niveau. Un exemple à suivre.
Vous êtes arrivés le même été…
Le mec a joué la Coupe du Monde, son arrivée à Nice était déjà incroyable. Et ça fait 10 ans qu’il est là. Il vient de se faire le ménisque et au bout d’un mois, le revoilà. Que c’est beau. Il est monstrueux !
« Je souhaite le meilleur aux supporters, car ils le méritent »
Si tu devais citer un souvenir ?
J’en ai un collectif mais ce n’est pas forcément le plus évident. On est resté invaincus très longtemps et je me souviens très bien de notre première défaite à Caen (1-0, après 9 victoires et 2 nuls lors des 11 premiers chapitres de la saison). Un match où on se fait avoir à l’expérience. Je me rappelle de Vercoutre dans les buts qui nous rendait fous. Plus globalement, je garde en tête toute la saison. C’était exceptionnel. Nous avions fait une première partie incroyable, nous étions champions d’automne, mais nous sommes tombés sur une autre équipe très forte la même année : un Monaco qui marchait aussi sur l’eau. C’est le seul petit côté frustrant. Paris était là entre deux. Je me souviens de tout : des derbies, des matchs à la maison contre Marseille, Monaco, même Paris qu’on bat. De l’Europe, l’Ajax (en Q3 de Ligue des Champions) où je marque, le Napoli (en barrages). Quand j’y pense, ça reste incroyable. Il y avait une vraie ferveur collective. Le stade était souvent plein. L’ambiance était folle. Les gens se régalaient parce qu’ils voyaient du jeu, nous on prenait du plaisir. C’était vraiment parfait.
Et ce malgré un été tragique…
L’été avait été marqué par l’attentat sur la Prom’ (ayant coûté la vie à 86 personnes, le 14 juillet 2016). C’était important que les gens retrouvent du plaisir. On le faisait aussi pour ceux qui étaient partis dans ce moment tragique. Tout était parti d’un coup de tête de Malang contre Rennes lors de la 1ère journée, dans un match terrible qu’on avait remporté (1-0). Tout le monde était en blanc pour rendre hommage aux victimes, il n’y avait pas un bruit. Ma femme est niçoise, ça l’a forcément marquée. Moi aussi. Tout a commencé là, dans une ambiance très pesante, avec le cœur sur le maillot et les ballons pour les disparus.
Tu suis toujours le Gym ?
Toujours. Ça m’intéresse. J’ai vu le club changer au fur et à mesure des années. Là, je suis attentif à l’équipe mise en place par Franck Haise, arrivé avec ses idées et ce qu’il a pu faire à Lens. On est sur un projet qui peut être très intéressant, avec une équipe qui a de la qualité. Je regarde aussi les joueurs, ceux avec qui ou contre qui j’ai joué. Il y a Gaëtan avec qui j’étais à Montpellier. Je pense qu’il y a quelque chose de bien à faire. C’est un club qui a grandi. Maintenant, il faut encore plus de régularité. C’est le plus difficile.
Un dernier mot ?
Je souhaite juste le meilleur aux supporters, car ils le méritent. Nice est une ville qui grandit avec le foot, une ville passionnée, une ville du sud. On a besoin de cette chaleur, de cette ambiance électrique. Aux joueurs, je leur souhaite le meilleur sur la saison. Je pense qu’il y a moyen de faire quelque chose de très bien !
À l’heure américaine
Depuis 2023, Arnaud Souquet (qui aura 33 ans le 12 février) évolue en MLS, au Chicago Fire, avec qui il s’apprête à disputer sa 3ème saison : « L’Amérique, c’est différent, tu es un peu plus loin de tout, explique le joueur formé au LOSC. On s’adapte. Je suis prêt à attaquer ma dernière année de contrat ici. On verra ce que ça donne. C’est vraiment sympa et très différent de l’Europe. On n’a pas les mêmes marqueurs, les mêmes repères. On essaie de s’adapter et de profiter de la vie américaine. »
Une belle expérience dont Arnaud profite en famille, avec sa femme et ses filles, âgées de 4 et 6 ans : « Les petites sont à l’école américaine, elles sont bilingues. Quand on est partis, au-delà du projet sportif, c’était un projet de vie et une expérience familiale. Lorsqu’on rentre en Europe chez nos proches, on est content de retrouver les petites habitudes françaises, notamment sur la nourriture, c’est ce qui nous manque le plus ici. Et si tu veux manger niçois, je ne t’en parle pas… »