Carnet
Un ancien aiglon nous a quittés
L'OGC Nice a appris le décès de Renato Marchiaro, ancien attaquant du club dans les années 1940. Il avait 98 ans.
Formé à la Juventus avant la Seconde Guerre Mondiale, Renato Marchiaro n'y dispute qu'une rencontre avec l'équipe première en 1939. Résistant durant la Guerre, il joue à Antibes à la Libération, avant de signer à l'OGC Nice, alors en Deuxième division, en 1947. Ce sera sa seule saison au Gym, qui retrouvera l'élite. Il apportera sa pierre à l'édifice de la montée en inscrivant 4 buts en 15 rencontres de championnat. La suite de sa carrière l'amènera notamment à Alès, Belenenses (Portugal) et Angers.
Renato Marchiaro, accroupi, 1er en partant de la gauche.
Renato Marchiaro avait donné le coup d'envoi de Nice - Rennes en février 2009. A cette occasion, le programme de match OGC Nice.mag lui avait rendu honneur au travers d'un article que nous reproduisons ci-dessous.
Tous les membres de l'OGC Nice adressent leurs sincères condoléances à ses proches.
A TRAVERS LE SIECLE
(article tiré du numéro 123 d'OGC Nice Mag, 21 février 2009)
ETERNEL. Renato Marchiaro, plus ancien Aiglon en vie, donnera le coup d'envoi de Nice - Rennes.
S’il était un livre, il serait de ceux qui vous attrapent dès la première ligne. Vous traînent par le col jusqu’en bas de page. Vous emmènent vers la suivante. Puis celle d’après. Et encore après. En prenant soin de vous couper du reste du monde. Tant et si bien qu’au chapitre fini, vos yeux, affamés, ne font qu’en redemander. Renato Marchiaro, c’est quatrevingt-dix années impressionnantes de péripéties. Une mémoire sensationnelle pour les conter.
Nonagénaire depuis lundi, l’Italien serait le plus ancien des Aiglons en vie. Et d’après ses estimations, il pense demeurer l’unique joueur à avoir porté les couleurs de la Juventus de Turin avant la Seconde Guerre Mondiale. Le club de ses grands débuts. Un tricot rayé de blanc, de noir qu’il enfile en août 1934. « J’ai fait un essai où se présentaient plus d’une trentaine d’avants-centres. Car tout le monde voulait faire comme la star de l’époque : Meazza. Le matin, j’ai signé ma licence. L’après-midi, j’étais ramasseur de balle. »
Champion d’Italie en Juniors, l’attaquant intègre ensuite la réserve pour les saisons 1937/38 et 1938/39. À vingt ans, il accède à l’équipe une mais n’a « pas beaucoup de chance ». Titularisé, le joueur transpirant échange avec un journaliste. Suffisamment pour attraper une pneumonie qui, à l’époque, nécessitait de longues semaines avant guérison. Prêté à Venise pour deux saisons, Marchiaro entre dans la Marine. Puis rejoint la Sampdoria de Gênes, alors baptisée « Liguria ». Les couleurs qui le voient se fracturer le tibia et le péroné contre la Lazio. Une blessure qui le cloître quatre mois à l’hôpital.
Résistant footballeur
Renato Marchiaro est ce qu’on appelle un personnage. Résistant impliqué durant la guerre, il participe notamment au sauvetage d’une quarantaine de maquisards français dans le Vercors. Du conflit, Marchiaro garde pourtant le plus beau de ses souvenirs. Les yeux brillants, fierté dans la voix, il l’énonce : « La libération ! »
Pendant près de quatre saisons, le charismatique Renato ne frappe plus le cuir. Jusqu’à ses retrouvailles avec un ami d’Antibes qui lui suggère d’intégrer l’équipe de la ville. En deuxième division, l’attaquant y réalise une belle saison dans un Fort Carré qui accueillait la Coupe du Monde de football, moins de dix ans auparavant.
Au terme de la saison, les médias annoncent l’arrivée à Nice d’un « un bon joueur d’origine italienne » parmi les treize attirés par le maire, Jacques Cotta, pour 15 millions de francs. S’ensuit la montée en première division, avec 4 buts en 15 matchs. Un départ vers Alès, puis en Italie. Pour ensuite migrer vers l’Espagne. « Mais je suis arrivé en retard. Alors, je suis allé au Portugal, à Belenenses. »
La saison à Angers reste la dernière d’une surprenante carrière, tamponnée par une apparition dans Le Triporteur, avec Darry Cowl. Les péripéties ne finissent pourtant pas d’animer la folle vie de Renato Marchiaro.
Un nouveau jour de promenade, accompagné de sa femme, l’ancien footballeur croise un ancien coéquipier de la Juventus, devenu président de la Caltex, alors troisième compagnie de pétrole en Italie. Renato intègre la compagnie pour cinq ans. « Mon rôle était d’implanter des stations service en Italie. Mon frère, devenu directeur de La Stampa, m’a présenté à de nombreuses personnes. Il fallait quatre ou cinq ans pour faire mon travail. Je l’ai réalisé en deux ans », livre-t-il, malice dans le sourire.
De retour à Nice, berceau de sa compagne, en 1957, Marchiaro fait l’acquisition de l’hôtel des Mimosas. Il le conservera jusqu’en 2000. Et si la gestion en revient essentiellement à sa femme, lui est professeur de sport au Cours Michelet, entraîne le centre d’études d’IBM et la Promotion d’Honneur Seniors du Cavigal. Avant d’entrer chez Nicoletti, « en tant qu’homme de confiance ». Aujourd’hui, Renato reste hallucinant de vitalité. Passionné de nature, toujours désireux de se cultiver, il se voit régulièrement escorté par deux de ses anciennes pousses du « Cavi » : Christian Delobette et Ninou Bernardi. « J’aurais pu rester tranquille, ne pas bouger. Mais ce n’est certainement pas ce que j’ai fait. Il faut profiter de la vie. Parce que même quand on atteint 90 ans, ça passe très vite. »
Y.F.